Résumé
Face à l’urgence climatique, le secteur des transports au Québec est appelé à subir une transformation radicale pour atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une stratégie de décarbonation du transport personnel doit dépasser les simples incitations à l’achat de véhicules électriques pour inclure une réévaluation fondamentale des choix modaux. Il est donc nécessaire de comprendre les coûts associés à ces choix, ainsi que leur impact sur les individus et la société.
Notre étude propose une évaluation des coûts réels associés à divers modes de transport, incluant la marche, le vélo, l’automobile, et les transports collectifs, en considérant à la fois les coûts privés, publics, et externes.
Transformer les transports au Québec pour relever le défi climatique
Face à l’urgence climatique, le secteur des transports, responsable de plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec, constitue une priorité pour atteindre les objectifs de décarbonation. Le Plan directeur en transition énergétique du Québec propose des stratégies ambitieuses qui vont au-delà de la simple promotion des véhicules électriques, en réévaluant les choix modaux et en favorisant des modes de transport durables comme la marche, le vélo et les transports collectifs.
Montréal, avec ses 3,4 Mt de CO₂-équivalent générées par le transport routier en 2022, est un laboratoire idéal pour expérimenter ces stratégies. Bien que 47 % des déplacements soient encore effectués en voiture, les parts modales des transports collectifs (38 %), de la marche (12 %) et du vélo (3 %) montrent un potentiel prometteur. Entre 2001 et 2016, la part modale du vélo a doublé, passant de 1,3 % à 2,1 %, démontrant une dynamique favorable pour les mobilités actives.
Comprendre les coûts réels des choix de transport
Pour guider cette transition, il est crucial de quantifier les coûts réels des différents modes de transport. Notre étude propose un cadre analytique innovant qui tient compte des coûts privés, publics et externes associés aux choix modaux :
- Coûts privés : Supportés directement par les usagers, ils incluent l’achat de véhicules, les taxes, les contraventions, et les frais d’entretien.
- Coûts publics : Pris en charge collectivement, ils incluent les subventions et les budgets alloués à l’entretien des infrastructures, financés via les impôts et taxes.
- Coûts/bénéfices externes : Impacts indirects sur la collectivité, tels que les émissions de GES, les bénéfices pour la santé publique et les nuisances environnementales.
Mobilités actives : des choix gagnants pour la société
Les modes actifs, comme la marche et le vélo, représentent des alternatives avantageuses :
- Chaque dollar dépensé pour la marche génère 0,01 $ de bénéfices sociaux.
- Le vélo rapporte 0,12 $ par dollar dépensé, contre un coût de 1,55 $ pour la voiture.
- Les transports collectifs, bien qu’intermédiaires, coûtent 0,49 $ par dollar dépensé.
Ces chiffres mettent en lumière l’intérêt économique, sanitaire et environnemental des mobilités actives. Toutefois, des disparités existent selon des facteurs comme le genre, la localisation, ou le nombre de véhicules par ménage, les coûts étant plus élevés pour les banlieusards travaillant en ville. Ces différences soulignent l’importance de politiques adaptées aux réalités locales et démographiques.
Étudier des scénarios de report modal
Notre analyse identifie des segments de population pour lesquels une transition vers des modes durables est économiquement viable, sans compromis sur le temps de trajet. Nous avons étudié des trajets domicile-travail et d’étude (12 % des émissions de GES du Québec en 2022), notamment ceux en voiture sur des distances de moins de 5, 7 ou 10 kilomètres, où un report modal n’ajouterait pas plus de 5 minutes au temps total.
Dans la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), jusqu’à 32 % des trajets en voiture pourraient être transférés vers des modes durables, offrant des bénéfices économiques et environnementaux significatifs :
- Économies privées : Entre 900 et 1 000 $ par automobiliste chaque année.
- Réduction des coûts publics : De 0,7 à 1,2 milliard $ par an grâce à la diminution des dépenses d’infrastructure.
- Réduction des externalités : Entre 1 et 3 milliards $ par an en diminuant la pollution et ses impacts sur la santé publique.
- Diminution des GES : Réduction de 4 à 12 % des émissions dans la CMM.
À l’échelle provinciale, où la dépendance à la voiture atteint 85 %, les économies pourraient doubler, atteignant jusqu’à 7 milliards $ par an, avec une baisse de 8 % des émissions liées aux trajets domicile-travail, soit environ 1 % des émissions totales du Québec.
Des stratégies ciblées pour concrétiser le potentiel du triple gain
Pour maximiser ces bénéfices, des actions ciblées sont essentielles :
- Investir dans les infrastructures : Développer des pistes cyclables protégées, renforcer les transports collectifs, et aménager des zones piétonnes sécurisées.
- Offrir des incitations financières : Subventions pour les vélos, réductions sur les abonnements de transport en commun, et encouragements à réduire l’usage de la voiture.
- Lancer des campagnes de sensibilisation : Informer sur les avantages économiques, environnementaux et sanitaires des alternatives durables.
- Cibler les segments stratégiques : Concentrer les efforts sur les trajets courts et les groupes les plus susceptibles de changer de mode.
Pour sensibiliser davantage, un calculateur en ligne gratuit aide les utilisateurs à évaluer les coûts réels de leurs déplacements en fonction de leur mode de transport :
- Analyse personnalisée : Distance, durée et congestion.
- Estimation des coûts : Privés, publics et externes.
- Scénarios comparatifs : Simulations des économies potentielles liées à un changement modal.
Conclusion
Les scénarios réalistes de report modal peuvent générer des bénéfices considérables, tant pour les individus que pour la collectivité. En réduisant les coûts privés, publics et externes, tout en diminuant les émissions de GES, le Québec peut atteindre ses objectifs climatiques tout en améliorant la qualité de vie.
Avec des politiques ambitieuses et inclusives, la transition vers des modes de transport durables représente non seulement une nécessité écologique, mais aussi une opportunité économique et sociale majeure.
Recherche originale :
Rapport préliminaire (en français): Beaudin, G., Julien, M. et Benatia, D. (2024). Mobilité Montréal : les coûts sociaux des transports
Article académique (en anglais) : Benatia, D., Beaudin, G. et Julien, M. (2025). Quantifying the Triple-Win Potential of Sustainable Mobility. Preprint article available at SSRN
Déclaration d'intérêt des auteurs.rices :
Gabrielle Beaudin a travaillé à Vélo Québec durant une partie de ce mandat de recherche. Les autres auteurs.ices n'ont pas de conflit d'intérêt à déclarer.
Source de l'image de couverture :
Beaudin, G., Julien, M. et Benatia, D. (2024). Mobilité Montréal : les coûts sociaux des transports
Comment citer cette Nouvelle ?
Beaudin, G., Julien, M. et Benatia, D. (2025). Les vrais coûts de nos choix de mobilité. Observatoire du vélo
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