Résumé
Alors que les villes encouragent l'utilisation du vélo, tout le monde n'est pas prêt ou disposé à l'adopter. Cette étude explore l'adoption du vélo en examinant comment les individus passent par différentes étapes motivationnelles, de l'indifférence à l'utilisation quotidienne. À partir des données d'une enquête menée auprès de 1 200 résidents de Montréal et de Laval, nous analysons les caractéristiques sociodémographiques, les habitudes de mobilité et les barrières perçues à la pratique du vélo. Les résultats montrent que les infrastructures sont très importantes, mais qu'elles ne suffisent pas à encourager l'utilisation du vélo ; la dépendance à la voiture, les préoccupations en matière de sécurité et les influences sociales jouent également un rôle. Beaucoup sont confrontés à des obstacles pratiques ou psychologiques, tandis que certains font du vélo par nécessité plutôt que par choix. Pour encourager l'adoption du vélo à long terme, les politiques doivent tenir compte des étapes de préparation en améliorant les infrastructures, et en misant sur l'éducation et sur l'accès multimodal. Une approche ciblée est essentielle pour favoriser des habitudes cyclistes durables.
Introduction
Le vélo est présenté comme une alternative saine, durable et économique à l'utilisation de la voiture. Cependant, tout le monde n'est pas disposé ou capable d'intégrer le vélo dans ses habitudes de transport quotidiennes. Notre récente étude (en libre accès, en anglais) explore les facteurs qui influencent l'adoption et le maintien de l’utilisation du vélo comme mode de transport, notamment les facteurs sociodémographiques et l'environnement bâti, telles que les infrastructures cyclables. La compréhension de ces déterminants peut aider les chercheurs, les praticiens et les responsables municipaux à évaluer le potentiel du vélo dans différents contextes et à élaborer des politiques publiques qui favorisent son adoption.
Les gens ne se lèvent pas un matin en se disant qu’ils vont commencer à faire tous leurs déplacements à vélo, ils passent plutôt par différentes étapes psychologiques. Notre récente étude menée à Montréal et à Laval évalue le potentiel du vélo en examinant comment les gens passent par différentes étapes de motivation et d'intention. Nous explorons également les facteurs qui facilitent ou entravent leur capacité à commencer à utiliser le vélo comme moyen de transport ou à le faire plus fréquemment.
Le cyclisme ne se résume pas à une simple distinction entre «cyclistes» et «non-cyclistes»
Traditionnellement, les études en mobilité ont examiné les facteurs associés au cyclisme en se contentant d'observer qui fait du vélo, qui n'en fait pas et à quelle fréquence les gens en font. Cependant, la réalité est beaucoup plus complexe, et ces approches ne fournissent qu'un aperçu limité du processus de changement. Les théories sur les étapes du changement suggèrent que les gens passent par une série d'étapes motivationnelles avant d'adopter pleinement un nouveau comportement. Inspirés par le Modèle des étapes de changement de comportement autorégulé (SSBC), nous avons élaboré une question à choix multiples unique afin de déterminer l'étape du changement vers le vélo comme mode de transport. Sur la base de leurs réponses, nous avons identifié cinq groupes :
- Étape 1 : prédécision non-intéressé - Les personnes qui ne font pas de vélo et ne voient aucune raison de commencer.
- Étape 2 : prédécision inhibé - Les personnes qui aimeraient faire du vélo, mais qui estiment que cela leur est actuellement impossible.
- Étape 3 : préaction (ou préparation) - Les personnes qui envisagent de faire du vélo, mais qui n'ont pas de projet concret, ou celles qui prévoient activement de commencer à faire du vélo, mais qui ne se sont pas encore lancées.
- Étape 4 : action - Les personnes qui font du vélo occasionnellement, mais ne savent pas si elles continueront.
- Étape 5 : postaction (ou maintien) - Les personnes qui font régulièrement du vélo et ont l'intention de continuer.
Comprendre ces catégories nous permet d'identifier où les gens bloquent et comment les aider à aller de l'avant.

Les étapes de changement de comportement vers le vélo, mettant en évidence le passage progressif de la résistance à l'adoption du vélo - Source : Zarabi, Laviolette, Waygood et Manaugh, 2025
Qui est prêt à se déplacer à vélo ?
Pour répondre à ces questions, nous avons analysé les données d'un sondage mené à Montréal et à Laval à l'automne 2023. Au total, 1 188 répondants ont été recrutés avec Léger Opinion, garantissant une représentation par âge et par sexe pour les deux villes. Un premier résultat montre que tout le monde n'est pas en mesure de faire du vélo. Environ 11 % de notre échantillon ne peut pas faire de vélo en raison d'un problème de santé ou d'une condition physique, tandis que 4 % ne savent pas comment faire de vélo. La figure ci-dessous illustre la répartition des répondants dans les deux villes en fonction de leur étape de changement.

Distribution des échantillons de Montréal et Laval selon les étapes de changement (N = 1188) - Source : Zarabi, Laviolette, Waygood et Manaugh, 2025
Alors que Montréal compte une proportion plus élevée de personnes à l’étape de maintien (É5), Laval compte une proportion plus élevée de personnes à l’étape prédécisionnelle non-intéressée (S1) qui ne sont pas intéressées par l'adoption du vélo comme moyen de transport. Cependant, l’utilisation des étapes de changement révèle que la proportion de cyclistes potentiels est légèrement plus élevée à Laval qu'à Montréal. Plus précisément, 31,6 % des répondants à Montréal se trouvent dans les phases de prédécision d'inhibition (É2) et de préaction (É3), contre 35,1 % à Laval.
Notre étude fournit des informations sur les caractéristiques des personnes à chaque étape. Par exemple, l'étape 2 compte la plus forte proportion de femmes, tandis que les répondants de l'étape 3 sont plus susceptibles d'avoir un abonnement de transport en commun. Les personnes de l'étape 4 sont plus susceptibles d'avoir un revenu faible, tandis que celles de l'étape 5 sont moins susceptibles de posséder une voiture et plus susceptibles d'être membres d'un service d'autopartage comme Communauto. En ce qui concerne l'environnement bâti, seules les personnes à l’étape 5 (maintien) vivent dans des quartiers dotés de davantage de pistes cyclables protégées. Cela suggère que si les différents niveaux d'intérêt et de disposition à adopter le vélo des étapes 1 à 4 ne dépendent pas nécessairement de la qualité des infrastructures cyclables, celles-ci jouent néanmoins un rôle crucial pour aider les gens à atteindre la « ligne d'arrivée » et à intégrer pleinement le vélo dans leurs habitudes de transport.
Barrières à l'usage du vélo
Nous nous sommes également penchés sur les barrières perçues à utiliser le vélo pour se déplacer. Notre étude identifie quatre catégories de barrières, chacune ayant un impact différent sur les personnes se trouvant à différentes étapes du changement :
- Manque de commodité (barrières internes)
- Les personnes qui se trouvent à l’étape prédécisionnelle non-intéressée (É1) considèrent que le vélo n'est pas pratique pour leurs activités quotidiennes et préfèrent d'autres moyens de transport.
- Ceux qui se trouvent à l’étape prédécisionnelle inhibée (É2) aimeraient faire du vélo, mais estiment que c'est impossible en raison de contraintes telles que la nécessité de transporter des enfants ou des objets.
- Efforts et apparence
- Les répondants se trouvant aux étapes 1 et 2 expriment des inquiétudes quant au fait que le vélo est physiquement exigeant, trop lent, qu'il les fait transpirer ou qu'il affecte leur apparence.
- Étonnamment, les personnes à l’étape de l’action (É4), qui ne savent pas si elles continueront à faire du vélo, manifestent davantage ces préoccupations, ce qui suggère qu'elles font du vélo par nécessité plutôt que par préférence.
- Préoccupations négatives et stress
- Les barrières liées à la sécurité, telles que la peur de la circulation automobile, le stress et les préoccupations concernant le vol de vélos, sont les plus importantes pour les personnes aux étapes prédécisionnelles (É1 et É2).
- Les personnes aux étapes 3, 4 et 5 sont moins affectées par ces préoccupations, peut-être en raison d'une plus grande expérience ou d'une plus grande exposition au vélo.
- Barrières liées aux infrastructures
- Les personnes à l’étape prédécisionnelle inhibée (É2) perçoivent le manque d'infrastructures cyclables protégées et d'itinéraires pratiques comme des obstacles majeurs.
- Cependant, les personnes à l’étape prédécisionnelle non-intéressée (É1) qui n'ont pas l'intention de faire du vélo sont moins préoccupées par les infrastructures, ce qui suggère que leurs barrières sont davantage internes.
- Les préoccupations liées aux infrastructures restent un problème au stade de maintien (É5), où les cyclistes réguliers exigent de meilleures infrastructures cyclables pour maintenir leurs habitudes.
La relation entre ces quatre catégories de barrières à travers les cinq étapes du changement est présentée à la figure ci-dessous. Dans l'ensemble, le manque de commodité et les barrières liées à l'effort et à l'apparence montrent la baisse la plus significative entre les étapes 1 et 2 et l'étape 5. En revanche, les préoccupations négatives, les barrières liées au stress et celles liées aux infrastructures ne montrent qu'un changement mineur au fil des étapes.

Catégories de barrières, par étape de changement vers le vélo. Plus la valeur est élevée, plus la barrière est perçue comme importante. - Source : Zarabi, Laviolette, Waygood et Manaugh, 2025
Ne partez pas du principe que tous les cyclistes sont convaincus par le vélo
Notre étude confirme que certaines personnes font du vélo par nécessité plutôt que par choix. Ces « cyclistes captifs » (Étape 4) ont souvent peu d'alternatives en matière de transport, tirent moins de plaisir du vélo, bénéficient de moins de soutien social pour leur choix et sont plus susceptibles d'abandonner le vélo si leur situation change.
Cela souligne l'importance de concevoir des politiques qui non seulement attirent de nouveaux cyclistes, mais soutiennent et fidélisent également ceux qui dépendent actuellement du vélo.
— Zarabi, Laviolette, Waygood et Manaugh
Un principe similaire s'applique aux services de transport public, qui devraient non seulement se concentrer sur l'augmentation du nombre d'usagers, mais aussi sur l'amélioration de l'expérience des usagers existants afin de garantir la poursuite de leur utilisation.
Que peut-on faire pour encourager la pratique du vélo utilitaire ?
Pour aider davantage de personnes à adopter le vélo comme moyen de transport régulier, nous avons besoin d'interventions ciblées :
- Pour ceux et celles qui en sont à l’étape prédécisionnelle (É2), l'extension et l'amélioration des infrastructures cyclables pour tous les âges et tous les niveaux sont un élément essentiel.
- Pour ceux et celles qui en sont à l’étape préactionnelle (É3), ces personnes sont à cibler en priorité avec des initiatives telles que les programmes de vélos en libre-service, les ateliers sur le vélo utilitaire, des campagnes pour se rendre au travail à vélo ou des balades guidées. Ces initiatives peuvent les aider à intégrer le vélo dans leurs habitudes de transport quotidiennes.
- Pour les personnes qui font déjà du vélo, mais ne sont pas certaines de continuer (É4), des investissements dans des infrastructures cyclables plus sûres et plus pratiques, ainsi que des moyens de renforcer les normes sociales positives envers le vélo, peuvent contribuer à ce qu’elles continuent à utiliser le vélo à long terme.
Conclusion : une approche sur mesure pour développer la culture cyclable à Montréal et à Laval
Encourager davantage de personnes à faire du vélo ne se résume pas à ajouter des pistes cyclables, il s'agit de comprendre où en sont les gens dans leur parcours et de répondre à leurs préoccupations spécifiques. En reconnaissant la diversité des motivations et des barrières rencontrées par les gens, nous pouvons créer des politiques cyclables plus efficaces pour faire du vélo un mode de transport viable, attrayant et durable dans nos villes.
Recherche originale :
Déclaration d'intérêt des auteurs·rices :
Les auteurs·rices déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêt qui aurait pu influencer le travail présenté dans cette publication.
Source de l'image de couverture :
© Sandra Larochelle
Comment citer cette Nouvelle ?
Zarabi, Z., Laviolette, J., Waygood, O. et Manaugh, K. (2025). Qui est prêt à pédaler ? Comprendre les étapes de la motivation à rouler à Montréal et Laval. Observatoire du vélo
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