Résumé
L’emportiérage, défini comme l’action de percuter un cycliste en ouvrant la porte d'un véhicule sans précaution, est responsable de plusieurs incidents évitables chaque mois sur le territoire montréalais Ce portrait sur l’emportiérage s’appuie sur les données enregistrées par le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) durant la période de janvier 2019 à novembre 2022. Il comprend des analyses des différents cas documentés ainsi que des recommandations pour déployer des interventions en matière d’aménagement sécuritaire pour le transport actif.
Ce document permet de mettre de l’avant entre autres que les infrastructures cyclables contribuent à rendre les déplacements à vélo plus sécuritaires pour les cyclistes.
Introduction
La pratique du vélo pour se déplacer gagne en popularité depuis quelques années. Plusieurs bénéfices à la santé et co-bénéfices sur l’environnement sont associés à ce mode de déplacement. Cependant, cela peut également entrainer certains enjeux, tel qu’un enjeu de cohabitation entre les différents usagers et augmenter le risque de collision.
Parmi les causes de traumatismes routiers, se retrouve l’emportiérage. Celui-ci se définit comme l’action d’ouvrir sans précaution la portière d’une automobile immobilisée et de percuter une personne à vélo, ou de la faire tomber ou entrer en collision avec un autre véhicule pour éviter la portière. Bien que ce phénomène soit méconnu, il n’est pas nouveau, cependant avec la forte présence de stationnement sur rue, il représente un risque grandissant pour les cyclistes, qui sont de plus en plus nombreux.
Selon les données enregistrées par le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM). Il y a en moyenne 6,5 emportiérages par mois enregistrés sur l’île de Montréal, sans compter les évènements qui ne sont pas déclarés. Les analyses ont permis d’identifier les principaux facteurs de risque, les sous-groupes de la population plus touchés, ainsi que la période de l’année, le type d’aménagement cyclable et le type de rue ou le risque d’emportiérages est plus important.
Méthodologie
La Direction régionale de santé publique (DRSP) a obtenu du SPVM un fichier contenant 309 évènements d’emportiérages survenus sur le territoire de l‘île de Montréal pour la période de janvier 2019 à novembre 2022. Le fichier du SPVM comprend plusieurs variables dont : la date, l’heure et l’adresse civique où a eu lieu l’évènement.
Par la suite, une coordonnée géographique (latitude et longitude) a été générée par la DRSP à partir de l’adresse civique fournie par le SPVM. Plusieurs bases de données géographiques et contextuelles ont ensuite été croisées avec celle-ci, soit Adresses Québec (AQ) pour la classe de route, le réseau cyclable 2020 de la Ville de Montréal pour le type de voie cyclable, l’enquête origine-destination (O-D) 2018 pour le regroupement d’heures, le secteur municipal, le mode de transport utilisé et le motif, ainsi que l’Institut de la statistique du Québec, Environnement Canada et Statistiques Canada pour la population.
Résultats
Analyses sociodémographiques
Malgré qu’au Québec, les hommes sont plus nombreux à faire du vélo (62% c 47%), les emportiérages enregistrés pour la période à l’étude sur l’île de Montréal, touchent presque de façon égale les hommes et les femmes (53% c 47%).
Selon la période de l'année
Des emportiérages sont signalés en toutes saisons, cependant une augmentation notable est observée pendant la saison estivale. En effet, la fréquence des emportiérages suit la tendance de la pratique du vélo. Bien que la pratique de celui-ci en hiver semble gagner en popularité, un nombre beaucoup plus important de cyclistes est observé dans l’espace public lorsque la température est plus clémente. Pour la période à l’étude, 245 emportiérages (87%) ont été enregistrés entre les mois de mai et octobre. Malgré une moins grande pratique du vélo en hiver, 37 emportiérages (13 %) ont été recensés entre les mois de novembre et avril, pour la période à l’étude.
Selon la période de la semaine
Selon les données du SPVM, les emportiérages sont en général plus fréquents en semaine, entre 36 et 60 évènements sont signalés selon la journée. Le dimanche est la journée où le nombre est le plus faible, avec 21 emportiérages. Selon l’enquête Origine-Destination (O-D) 2018, sur l’île de Montréal, c’est par le transport actif que 15,5% des déplacements reliés aux transports utilitaires, c’est-à-dire pour se rendre à un lieu de travail, d’étude, de loisir ou de magasinage, ont été effectué. Cela, combiné aux nombreuses allées et venues en semaine peut expliquer la fréquence plus importante d’emportiérages en semaine.
Selon le moment de la journée
C’est lors de la période de pointe de l’après-midi (15 h à 18 h 59) que le plus grand nombre d’emportiérages a été recensé avec 122 évènements au cours de la période à l’étude sur l’île de Montréal. Alors que 119 emportiérages sont survenus le jour (9 h à 14 h 59). Ces périodes concordent avec une présence plus accrue de vélo, mais aussi de va-et-vient des automobilistes.
Localisation
Les emportiérages se concentrent principalement dans 5 arrondissements, où près de 75 % de ceux-ci ont été enregistrés. Trois de ces arrondissements sont centraux et attirent une grande partie de la population. Une plus forte concentration de cyclistes dans ces arrondissements, ainsi qu’une présence importante de stationnement sur rue peuvent expliquer la plus forte concentration d’emportiérages dans ces secteurs.
Selon le type de route
Selon la géobase routière Adresse Québec (AQ), le réseau routier de l’île de Montréal est principalement catégorisé selon 4 classes de route, soit : les routes locales (67,4 %), les collectrices municipales (14,1 %), les artères (16,1 %) et les routes nationales (2,4 %). Selon les données du SPVM, autant d’emportiérages sont survenus sur les routes locales que sur les routes collectrices municipales (36 % c. 34 %). Cependant, les collectrices municipales ne représentent que 14,1 % du réseau routier alors que les routes locales représentent 67,4 %. Par ailleurs, plus de 25 % des emportiérages enregistrés sont survenus sur une artère, qui représentent seulement 16,1 % du réseau routier. À la lumière de ces données, les cyclistes sont plus susceptibles de subir un emportiérage sur une collectrice municipale ou sur une artère que sur une rue locale. La présence accrue de stationnements très fréquentés sur ces types de rues, combinée à la vitesse de déplacement des cyclistes peut augmenter les risques d’emportiérages, mais également la gravité de l’incident.
Selon le type de voie cyclable
Environ 70 % des emportiérages sont survenus sur une route sans aménagement cyclable. Selon le réseau cyclable 2020 de la Ville de Montréal, on compte 969,5 km de voie cyclable sur l’île de Montréal. Parmi les 30 % d’emportiérages survenus où il y a présence du réseau cyclable, près de 60 % de ceux-ci sont survenus sur une rue avec présence de bande cyclable, alors que la longueur de ce réseau ne représente que 29,5% du réseau cyclable montréalais. Vingt-huit pourcent des emportiérages ont eu lieu sur une rue avec chaussée désignée, celle-ci représente 28,2 % du réseau cyclable. Relativement à la longueur en kilomètre du réseau cyclable 2020 de la Ville de Montréal, l’éventualité pour un cycliste d’être victime d’un emportiérage, lorsqu’il y a présence de voies cyclables, est plus grande lorsque l’aménagement cyclable se résume en une bande cyclable.
Recommandations
- Réduire le risque à la source, soit de réduire le nombre de véhicule dans l’espace public
- Réduire le nombre de stationnement sur rue ;
- Intégrer systématiquement les principes de l’approche Vision Zéro en terme sécurité routière dans la conception des aménagements ;
- Poursuivre le développement du réseau cyclable montréalais par des aménagements cyclables adaptés au contexte ;
- Implanter systématiquement des pistes cyclables physiquement séparées de la circulation sur les voies de circulation à haut débit ;
- Éviter les bandes cyclables sur les collectrices municipales et les artères ;
- Prioriser l’implantation d’aménagement cyclable dans les quartiers centraux et sur les routes majeures ;
- Revoir les aménagements cyclables avec stationnements à proximité ;
- S’assurer que la zone tampon entre la voie cyclable et les espaces de stationnements est d’au moins 1 m.
Recherche originale :
Déclaration d'intérêts des auteurs :
Billy Picard et François Tessier n'ont aucun conflit d'intérêt à déclarer.
Source de l'image de couverture :
Comment citer cette Nouvelle?
Picard, B. et Tessier, F. (2025). Portrait des emportiérages sur le territoire montréalais. Observatoire du vélo
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